Kenya 2018 – Première semaine

Mardi

Première sortie de bonne heure. Finalement ce n’est pas Dan mais Kevin l’un des gardes du camp qui m’accompagne à vélo. Il me demande combien de kilomètres je veux faire, je lui réponds que 10KM ça serait bien. Selon lui commencer par cinq serait plus raisonnable. Un peu vexé j’accepte car je n’ai pas encore testé la course en altitude. Nous commençons donc à courir en partant du centre en nous enfonçant dans les terres agricoles. Iten et la plupart des villes au Kenya se sont développées autour d’une ou deux routes principales en bitumes, les autres route étant dans le meilleur des cas des pistes en terre ou des chemins cahoteux.

Camion Iten

S’éloigner de ces routes c’est dire adieu à toute technologie occidentale passé un ou deux kilomètres. Nous nous enfonçons donc dans la campagne, ça commence par descendre fort, je suis à peu près à 15km/h, jusqu’ici tout va bien mais très vite je suis rappelé à l’ordre par l’altitude. Au bout d’un kilomètre à peine je suis en hyper ventilation, mes jambes sont lourdes, j’ai exactement la même sensation que lorsque j’ai commencé la course à pied. Pour ne rien arranger nous passons par un chemin de plus en plus boueux et je m’enfonce plusieurs fois dans la boue rouge jusqu’à la cheville. Kevin aussi du mal à suivre à vélo. Impossible de rouler, il doit pousser le vélo qui devient un véritable boulet. Je lui dis en plaisantant qu’il veut tester le Mzungu (littéralement blanc en swahili, c’est comme ça que les kenyans nous appellent). Il rigole aussi puis nous finissons par sortir de ce bourbier.

Je ne suis pas au bout de mes peines, maintenant il faut remonter tout ce que nous avons descendu au début, je suis incapable de garder le rythme et me retrouve à courir à 10KM/h à peine, mon égo en prend un petit coup. Nous arrivons enfin sur Mororia Road, la route principale. Nous montons encore sur le chemin qui longe la route, c’est difficile de respirer correctement mais je prends sur moi. Une fois revenu au centre je regarde ma montre, nous avons parcourus 7 kilomètres à une allure d’à peine 12 KM/h. Pourtant je suis fatigué comme rarement, le manque d’oxygène n’est pas un mythe ! Je suis quand même très content de cette sortie, Kevin est super sympa de m’accompagner et de me montrer les parcours, en plus de ça les paysages sont superbes.

Keelu forest

L’après-midi je profite des vélos qu’il y a sur le camp pour aller faire un tour en « centre-ville », comme expliqué plus haut, tout est concentré autour de l’unique route en bitume. Je cherche la banque pour retirer quelques shillings, je ne peux pas la rater il n’y a qu’une seule route ! Je suis à la fois un peu dérouté et séduit par toute l’agitation et le contraste qu’offre Iten. Les femmes bien apprêtées en talons hauts côtoient les enfants qui marchent pieds nus et les vendeurs de babioles. Chose à laquelle je ne m’attendais pas non plus, tout le monde à un portable et c’est souvent un smartphone. Ce matin nous sommes passés à côtés de deux fermiers pas spécialement bien équipés avec des bottes et des pantalons vétustes, au moment de les dépasser une sonnerie retentit et l’un d’eux a décroché un Samsung flambant neuf !

Iten Main road

Mercredi

7h30, je suis Kevin pour une sortie de 10KM cette fois, nous prenons un autre chemin tout aussi beau, je ne me lasse pas de cette terre rouge et de ce ciel toujours bleu. La sortie se passe un peu mieux mais j’ai toujours cette sensation d’être bridé. Pour la première fois en rentrant j’applique la méthode de récupération kenyane, après avoir pris un petit déjeuner, je me recouche vers 9h pour une sieste. Vers 12 heures je me réveille en pleine forme ! Quelques étirements et un peu de renforcement l’après-midi. Je profite de la tranquillité du camp pour me plonger dans les mémoires de Walter Bonatti, légende de l’alpinisme italien et auteur de nombreuses premières dans le massif de Mont-Blanc, notamment le fameux pilier Bonatti sur la face ouest des Drus. Cela me fait tout de suite relativiser sur mon « aventure » kenyane, ce mec a passé plusieurs jours seul en paroi verticale, sous la neige pour accomplir son ascension, un exemple de courage et de détermination !

Keelu road

Jeudi

Aujourd’hui je me contente d’une petite sortie de 5Km  en solo. L’après-midi je demande à Dennis de m’accompagner pour trouver un coiffeur. Nous allons chez un des ses amis qui me reçoit chaleureusement dans une petite cabane en bois qui fait office de salon. Au mur des photos de rappeurs et chanteurs de RnB avec des numéros. Il me demande de choisir la coupe que je souhaite. Je lui montre une photo de moi avec les cheveux un peu plus courts que maintenant mais pas rasés. Il me répond « ok my friend » et commence à couper mes cheveux avec des ciseaux d’écolier. Au bout de 2 coups de ciseaux j’éclate de rire et comprenant que ça ne va pas le faire, je lui dis de prendre la tondeuse et de faire ce qu’il peut avec le plus grand sabot. Il rigole aussi et me répond qu’il n’a pas l’habitude des cheveux de Mzungu. En 5 min me voilà rasé comme un commando, c’est Chloé qui va être contente quand je vais rentrer en France ! Finalement cela m’aura couté 200 Shilling, soit moins de 2 euros…. Radical mais difficile de faire moins cher !

 

Vendredi

7h30, nouvelle sortie de 11KM, ça va mieux, beaucoup mieux. Je ne courre toujours pas très vite mais c’est à cause du parcours qui comporte plus de dénivelé que les autres jours et du terrain très technique par endroit (j’ai dès le premier jour regretté de ne pas avoir emmené mes chaussures de trail !). En rentrant j’applique toujours la même méthode de récupération en faisant une belle sieste, c’est miraculeux ! L’après-midi je fais un peu de renforcement et passe le temps en lisant et en faisant un peu d’Espagnol avec la super application Duolingo (il n’y pas mieux à mon sens pour réviser une langue avec une application, et en plus c’est gratuit). Il est bientôt 19h et il fait déjà nuit, je mange rapidement et file dans ma chambre. 21h les lumières sont éteintes, j’ai pris le rythme kenyan, commencer tôt pour profiter du jour et ne pas lutter contre la nuit quand elle arrive.

Samedi

J’ai bien récupéré de ma sortie de la veille grâce à un excellent sommeil. Je décide donc de recourir 11Km avec Kevin, maintenant je me sens vraiment très bien, je me permets d’attaquer Kevin dans les côtes quand la pente nous met à armes égales. Je réussi même à le devancer une ou deux fois. Je l’entends souffler sur le vélo derrière moi et ça me rassure, si c’est difficile à vélo c’est normal que je souffre ! Je suis super content de cette sortie car j’ai pu accélérer tout en gardant mon souffle. Encore une fois le dénivelé fait que l’allure globale n’est pas mirobolante mais cela me laisse de bonnes chances pour faire du fractionné sur la piste. Ce matin pas de sieste post entrainement en revanche. Nous allons visiter la Saint Patrick High School à Iten.

Saint Patrik front

C’est un lycée fondé par des frères catholiques irlandais dans les années 50. Ce pensionnat d’environ 1500 élèves a la particularité d’avoir « produit » une dizaine de champions olympiques Kenyans, et plus d’une cinquantaine de champions du monde seniors et juniors ! A tel point que le coach du lycée, Bro Colm, est devenu une légende dans le monde de la course à pied.

St patrik adidas

C’est entre autres grâce à ce lycée que les plus grands champions viennent s’entrainer à Iten. La coordinatrice scolaire nous accueille chaleureusement et nous emmène tout de suite voir le « Hall of Fame » du lycée. Ici course à pied et éducation sont intimement liés pour le meilleur. Nombreux sont les jeunes kenyans issus de milieux modestes qui peuvent recevoir une éducation de qualité dans la plus pure tradition britannique grâce au sport. Cela me rappelle ma propre scolarité, j’étais aussi interne dans une institution de ce type et cela m’amuse beaucoup de retrouver énormément de points communs avec mon lycée en plein milieu de l’Afrique. Les terrains de sports, les dortoirs, le réfectoire et la chapelle… Je retrouve même jusque dans les différents groupes d’élèves des points communs avec mes anciens camarades. Il y a le rêveur qui fait une sieste en plein sur le socle d’une statue de Saint Patrick, les rebelles qui ne portent leurs uniformes que partiellement, les sportifs à l’écart en train de jouer au basket ou encore la cohue à la pause déjeuner pour manger en premier ! Pleins de souvenirs me reviennent et c’est vraiment très drôle.

élèves saint Patrik
Pour manger il faudra être patient!

Dans l’après-midi Sylvain un autre stagiaire arrive sur le centre, son bagage a malheureusement été perdu pendant le vol et n’arrivera que mardi. Nous allons donc en ville pour qu’il puisse acheter de quoi courir. Il n’y a que deux vélos sur le camp et nous avons besoin de Dennis pour nous accompagner. Nous prenons donc un Matatu, ce sont des minibus qui font office de transports publiques, la particularité c’est qu’ils font en permanence le même trajet et s’arrêtent dès qu’on leur fait signe, le système est plutôt efficace car on n’attend jamais plus d’une minute ! En revanche il faut faire des concessions, nous nous retrouvons à quatre sur la minuscule banquette arrière qui est faite pour deux. En tout nous devons bien être 15 dans ce minibus 8 places ! Nous arrivons alors dans la boutique de sport qui vend chaussures et accessoires. Le choix est assez diversifié ! Plus que ce à quoi je m’attendais pour être honnête. En revanche la présentation est comme sur les marchés, en vrac. Toutes les chaussures sont sorties de leur boites et rangées par deux dans des vitrines ou sur des étagères. Les prix défient toute concurrence et il est fort possible que je reparte avec une paire (encore une !) avant la fin de mon séjour.

Dimanche

7h30, Sylvain veut aller courir et Kevin est en repos. Je l’accompagne mais à vélo car j’ai déjà fait une bonne semaine d’entrainement et je souhaite être d’attaque pour la semaine prochaine ! Après environ 8Km tous les deux je laisse Sylvain au camp et repars me balader à vélo afin de faire un peu de volume. J’ai vu sur internet un parcours que les kenyans affectionnent particulièrement pour les séances de fartlek (fartlek signifie jeu en suédois et cette séance consiste en des accélérations plus ou moins longues mais uniquement basées sur les sensations et non sur une vitesse ou une distance définie comme pour une séance de fractionné classique). Je prends la direction du Keelu Resort, un hôtel appartenant à l’ancien recordman du monde du marathon Wilson Kipsang. De toute façon c’est très simple à Iten les centres d’entrainement, les hôtels ou les restaurants appartiennent soit à d’anciens champions ou à des européens. Je me retrouve au bout de quelques kilomètres sur une magnifique piste en terre rouge en bon état et longue d’une dizaine de kilomètres. C’est assez plat à l’exception de quelques bosses, dans les montées je fais la course avec les enfants. A un moment je m’arrête pour faire essayer mon vélo à une petite fille et ses deux petits frères. C’est un vrai bonheur de les voir éclater de rire et sourire jusqu’aux oreilles en montant sur le beau vélo rouge.

Après 15 minutes passées à rigoler avec eux je repars et profite des descentes pour faire des pointes à 40-45KM/h c’est un vrai régal. Sur le chemin du retour je commence à faire quelques virages dans une descente comme si j’étais en ski. Très mauvaise idée, je chute lourdement à pleine vitesse et glisse sur plusieurs mètres. Je pousse un cri de douleurs et quand enfin je m’arrête mon short et mon t-shirt sont complètement déchirés et j’ai très mal à la paume de ma main droite ainsi qu’au coude droit. J’ai du sang un peu partout mais rien à la tête, heureusement car je ne porte pas de casque…

Je suis encore à une dizaine de kilomètres du camp et je me mets en mode pilote automatique pour rentrer. Pas question de rester là au milieu de nulle part, je préfère ne pas regarder en détail ce que j’ai, je peux pédaler et bouger mon bras, c’est déjà pas mal. Le chemin du retour est long très long, Une fois arrivé au camp je regarde plus en détail ce que j’ai avec Sylain et le bilan n’est pas terrible, je suis ouvert à deux endroits sur le coude assez profondément et ait perdu un bout important de chair sur la paume de main droite… Direction l’hôpital d’Iten pour me faire recoudre et nettoyer les plaies pour éviter une infection. Nous nous rendons à l’hôpital en taxi moto car il n’y a pas de Matatu le dimanche. La devanture est toute neuve, on dirait que le portail vient d’être peint. En revanche pour le reste le bâtiment de plein pied est dans un état de délabrement avancé. La peinture se décolle de murs et les rigoles d’évacuation d’eau contiennent une boue rougeâtre avec des la mousse suspecte par endroit… Je fais attention de ne toucher à rien et laisse Dennis ainsi que le chauffeur du taxi moto expliquer d’abord à la secrétaire puis à l’infirmière puis au médecin enfin ce qu’il s’est passé. Ensuite Dennis doit partir avec le chauffeur pour acheter un anti-douleur que l’on va m’injecter avant de nettoyer la plaie. Après une longue attente durant laquelle j’ai la tête qui tourne et l’envie de vomir, c’est enfin mon tour.

en attendant d'être recousu
Clairement pas au top de ma forme!

Le docteur me reçoit du mieux qu’il peut dans le cabinet pas très propre, il me fait ressortir au bout de deux minutes pour tout nettoyer et minimiser les chances d’infecter ma plaie. En discutant un peu avec lui (par chance il parle plutôt bien anglais), je prends conscience qu’il a surement eut par le passé des expériences difficile avec des patients blancs méprisants. Quand je lui demande par curiosité ce qu’il va utiliser pour nettoyer ma plaie il se vexe et m’explique qu’il a reçu une formation de qualité avec les mêmes standards qu’en Europe etc… Je lui explique tout de suite que je lui fais confiance et que je suis simplement curieux, il se détend un peu et nettoie mon bras avec du sérum physiologique d’abord puis avec de la bétadine. Il injecte un anesthésiant directement dans les deux plaies de mon coude pour pouvoir recoudre sans que je saute au plafond.

Je commence à avoir la nausée en sentant qu’il a du mal à faire rentrer l’aiguille dans ma peau. Heureusement ça ne fait pas trop mal…. Une fois les deux plaies recousues il m’explique que le bout de chair arraché sur ma paume l’empêche de me recoudre. Il réalise donc un bandage avec précaution. Je remercie grandement le médecin avant de repartir, ainsi que tout le personnel, ce n’est pas ici la volonté de bien soigner les gens qui manque et ce ne sont pas non plus les compétences, ce sont les moyens… Quand on pense que le Kenya fait partie des pays « riches » en Afrique…

Nous repartons à trois sur le taxi moto, ce n’est pas ce qu’il y a de plus raisonnable mais il faut être pragmatique, c’est ça ou une heure de marche en plein soleil!

Taxi moto

L’après midi le moral est bon, j’ai eu peur pendant un moment de devoir rentrer en France pour me faire soigner… Finalement plus de peur que de mal, je vais me faire enlever les points dans une semaine et je dois bien prendre soin de ma paume pour que la plaie reste saine jusqu’au changement de pansement mardi. Je n’ai par miracle presque rien aux jambes, j’espère pouvoir recourir mardi si le docteur n’y voit pas de problème.

Bilan de cette semaine riche en expériences en tous genres :

  • 48 kilomètres de course
  • 60 kilomètres de vélo
  • Une nouvelle coupe de cheveux
  • 4 points de suture.

J’ai hâte d’être mardi, je vais profiter de lundi pour me reposer, et revenir avec des jambes neuves. Le moral est bon et j’ai maintenant Sylvain avec moi pour me motiver, il vaut 1h19 sur semi, un très bon chrono par rapport à moi qui vaut 1h30, on pourra quand même faire quelques belles sorties ensemble je pense ! Vivement mardi, j’espère vraiment pouvoir courir sans que cela soit un problème pour mon bras !

CR : Marathon de Paris 2018

Un contexte plus simple :

Cette année j’aborde le Marathon de Paris de façon beaucoup plus sereine, cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord je ne suis pas blessé (ou ne reviens pas de blessure plus exactement). En 2017 j’abordais mon 1er marathon avec des doutes pleins la tête et pleins les jambes. Une mauvaise tendinite au tendon d’Achille m’avait obligé à couper l’entrainement fin Janvier pour ne reprendre que deux semaines avant le marathon… J’avais terminé ma course dans la souffrance en 4h06, mais sans blessure et avec un sentiment de revanche à prendre. Je ne me sentais pas vraiment marathonien pour être honnête, à cause des nombreux kilomètres parcourus en marchant. Cette année l’entrainement s’est très bien passé avec environ 600KM entre le mois de Janvier et le mois d’Avril. J’ai battu mon record sur 21,1KM lors du Semi-Marathon de Paris. Pour finir j’aborde la course plus simplement car sans être un vieux briscard de la distance j’ai maintenant deux marathons à mon actif dont celui de Nice que j’ai beaucoup plus apprécié et où j’ai pu me rassurer avec un chrono de 3h42. Bref le moral est bon, je n’ai pas de douleur et j’ai pu réaliser plusieurs tests concluants durant ma préparation. Une sortie longue dans le froid de 30KM en 2h20 et le Semi-Marathon de Paris où j’ai battu mon record.

La semaine avant la course :

Lundi je commence déjà à me mettre en mode marathon, pas que ce soit une volonté de ma part mais l’échéance approche et mon cerveau me rappelle sans cesse que c’est bientôt le grand jour! Je me met à penser à mon chrono tous les jours, à faire des calculs d’apothicaire pour estimer mon temps, à prévoir des stratégies dans tous les sens. Cela ne s’arrange pas au cours de la semaine avec mes jambes qui commencent à me démanger. La semaine précédant une course je choisis souvent de ne pas ou peu courir, pour ce marathon ma prépa réelle s’est arrêtée deux semaines avant l’objectif. La semaine passée je n’ai fait que deux petites sorties et cette semaine je ne prévois pas d’aller courir. Je récupère mon dossard vendredi soir en sortant du bureau. Je me sens comme dans mon élément, cette fois-ci je connais bien le process, je remercie les bénévoles et file faire un tour au salon du running qui se déroule au même endroit.

J’en profite pour repérer quelques marathons aux détours des différents stands. Je profite également du peu de monde pour passer devant la photobox et ramener un petit souvenir.

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Je me balade ensuite entre les différents stands et tombe sur celui du Tahri Athletic Center. C’est un centre de course à pied situé au Kenya et fondé par Bob Tahri, champion de 3000m Steeple et médaillé olympique. J’avais déjà entendu parler de ce centre sur les réseaux sociaux et au travers de reportages, j’en profite pour me renseigner pour un potentiel voyage au Kenya. Les deux jeunes qui tiennent le stand sont très sympa et le dialogue est agréable, nous avons clairement la même passion mais pas les mêmes chronos! L’un d’eux m’annonce fièrement qu’il vaut 1’47 » sur 800m, du très haut niveau.

Derniers instants avant le départ

La veille j’ai fait attention à diner tôt pour ne pas être gêné par mon estomac pendant la course. C’est bête de devoir abandonner pour ce genre de problème, on n’est jamais à l’abri mais il y a des précautions à prendre pour limiter les risques, se forcer à passer aux toilettes le matin de la course en fait également partie. Après ce moment glamour, je prend ma traditionnelle photo d’avant course dans laquelle je dispose tout mon attirail de runner (même si j’essaie de le réduire de plus en plus). J’ai copié cette idée sur un ami il y a un an, je trouve ça marrant en fait de voir ce que les gens emportent pour leurs marathons. Parfois je suis un peu surpris de tout ce que certains portent sur 42KM, pour moi c’est déjà bien assez difficile comme ça, je me contente donc de mes vêtements, de ma montre et de quelques gels énergétiques. Je ne cesse de me répéter que ces trucs ne servent à rien mais par je ne sais quel miracle je me retrouve toujours avec quelques uns dans les poches avant de prendre le départ… Acte manqué ou incohérence personnelle je vous laisse décider. Je prends un Uber pour rejoindre la zone de consigne, après avoir déposé mon sac je trottine quelques minutes pour arriver à l’entrée de mon SAS. le timing est bon, le départ est dans 15 minutes, je sautille sur place même si la température est douce et que je n’ai pas besoin de me réchauffer.

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Ma course :

Top départ !

Ca y est le chrono est lancé, la matinée sera longue et difficile mais je suis là de mon plein gré, personne ne m’y a forcé (ce qu’il faut parfois rappeler à certaines personnes quand on parle de running).  Je déroule gentiment et profite de pouvoir courir en plein milieu des Champs-Elysées (pas exactement en plein milieu pour être franc car j’ai déjà repéré la ligne verte qui indique le trajet le plus court jusqu’à la ligne d’arrivée). Je m’agace un peu des coureurs qui ne sont pas dans le bon SAS, je me suis volontairement mis dans le fond du SAS 3h15 pour partir en même temps que le début du SAS 3h30. Mon objectif étant de 3h25-3h30 j’espère ainsi éviter les bouchons créés par les coureurs ne respectant pas le jeu des SAS. Tant pis il y a dans le SAS 3h15 aussi beaucoup de coureurs qui ne respectent pas le principe, cette année je prends mon mal en patience, je reste positif et souhaite une bonne course à ces coureurs un peu ingrats (ont-ils seulement conscience de gêner les autres quand ils courent deux voire trois kilomètres par heure plus lentement que l’allure du SAS?). Cela ne doit pas me gâcher mon plaisir, il y a des choses bien plus importantes dans la vie et dans le marathon aussi.

Arrivée au bois de Vincennes

Les premiers kilomètres ont défilé facilement, je n’ai pas forcé l’allure et ait essayé de ne pas non plus trop ralentir quand je me sentais bien, je me retrouve donc avec un peu d’avance (sur les 3h30) au KM 10. Cela est parfaitement normal, j’ai en tête de faire entre 3h30 et 3h25. Je note quand même la chaleur qui commence à pointer le bout de son nez, cela ne sera pas facile une fois sorti du bois de Vincennes.

Sortie du bois de Vincennes jusqu’au kilomètre 29

Je déroule tranquillement en continuant à prendre un peu d’avance à chaque kilomètre sur mon objectif principal de 3h30. J’apprécie particulièrement cette partie du parcours car je suis complètement lucide et très à l’aise, ma foulée est facile et j’ai encore l’impression de voler sur le bitume, sensation vouée à disparaître petit à petit au fil des kilomètres. J’aime bien cette partie du parcours pour une autre raison plus personnelle, tout simplement parce qu’elle reprend beaucoup des endroits par lesquels je passais quand j’étais en classe préparatoire. C’est vers Batsille, dans le parc de Bercy, Rue de Charenton ou encore Avenue Daumesnil que je démarrai et terminais beaucoup des mes footings lorsque je me suis mis à courir. Je passe le semi en 1h41’55 », cela fait donc trois minutes d’avance sur mon objectif de 3h30, en continuant comme ça je peux passer la ligne d’arrivée en 3h24. Seulement dans les kilomètres suivants la chaleur se fait de plus en plus sentir, les kilomètres défilent autour des 5’00 », je ne perds pas de temps sur les 3h30 mais je ne prends plus d’avance. Je décide de ne pas forcer, l’expérience du Marathon de Nice a porté ses fruits, le marathon se jouera dans les douze derniers kilomètres et même plutôt dans les sept derniers. Conserver cette avance est déjà pas mal, cela me ferait arriver en 3h27, compte tenu de la chaleur et de mon précédent chrono (3h42 à Nice) ça serait déjà très bien!

Au kilomètre 29 nous passons devant la Tour Eiffel et l’esplanade du Trocadéro. Je n’ai aucun souvenir d’avoir levé la tête pour admirer ces deux monuments devant lesquels je passe si souvent lors de mes footings la semaine. C’est clair et net, les tunnels près du Louvre, la chaleur et la foule venue en nombre pour encourager les coureurs m’ont fait rentrer dans ma course. En prenant une bouteille d’eau je m’aperçois que je n’ai pas pris de gels aux kilomètres 20 et 25 comme j’avais prévu de le faire. J’en prend un tout de suite au lieu d’attendre le kilomètre 30 puis repart de plus belle.

Marathon-Paris-Parcours-2017

Kilomètres 30 à 36

Je suis en plein dans mon effort, je maintiens l’allure et passe au kilomètre 30 en 2h26. Je me rend compte que ma montre n’affiche pas exactement le même kilométrage, j’ai en fait 5 minutes 20 d’avance. Pourvu que ça dure me dis-je, je passe au kilomètre 30 complètement reboosté par cette nouvelle, j’ai l’impression d’accélérer mais en réalité je garde simplement le rythme, c’est déjà pas mal compte tenu de ma petite avance. Je discute un peu avec un autre coureur qui se prenait en selfie, nous échangeons quelques plaisanteries mais la conversation s’arrête là, je suis un peu plus rapide et m’éloigne doucement. Je commence à doubler beaucoup de monde, quelques coureurs se mettent à marcher, parfois sur cette fameuse ligne verte, je ne leur en veux pas, je suis passé par là et je repasserai sûrement par là sur d’autres courses, j’espère que je me rappellerai de me mettre un peu plus sur le côté pour laisser passer, rien n’est moins sûr…. Je me contente d’une petite tape réconfortante sur l’épaule lorsque je dois un peu m’imposer pour passer entre deux coureurs. Arrivé au kilomètre 33 cela commence à être difficile, je perds quelques secondes par kilomètre, j’arrive à rester positif en me souvenant de mon état l’année dernière à ce stade de la course. C’est difficile mais je cours, cette fois-ci je ne marche pas, je cours plutôt à un bon rythme même si je commence peu à peu à perdre mon avance.

Kilomètre 36 à 38

Je suis dans le dur, on ne peut pas faire plus simple, je suis en pleine bagarre avec ma tête, les kilomètres sont de plus en plus longs. Je perds entre 10 et 40 secondes de mon avance à chaque kilomètre et j’ai chaud, beaucoup trop chaud. Je savais que ça serait un facteur non négligeable sur mon chrono, il doit faire autour des 25 degrés et nous sommes en plein soleil dans les larges allées du bois de Boulogne. Je sais que ma mère et mon beau-père m’attendent au kilomètre 40. Je pense à ça, je me met à utiliser la bonne vielle technique qui consiste à compter jusqu’à 100 puis à recommencer, ça devient trop difficile, je me mets à compter jusqu’à 50, je perds le fil, je recommence…. Cela devient vraiment compliqué, je commence à en avoir marre, je pense à Chloé qui est au Mexique, cela me redonne un peu le moral puis assez vite je commence à penser à l’impensable, marcher.

Kilomètres 39 à 42

J’arrive vers ma mère et mon beau-père, je n’ai pas fière allure, ma foulée est lourde, j’ai mal au jambes, je suis dans un faux rythme, la voix de mon beau-père me redonne un peu le moral, je leur fais signe sans trop pouvoir sourire ou parler, en regardant les photos j’ai le visage marqué et le regard tombant. Quel que soit le niveau le marathon est une distance qui demande beaucoup, beaucoup de conviction et beaucoup de volonté, je n’en suis jamais plus conscient qu’à ce moment là de mes courses. Le cerveau a cette capacité à oublier les moments les plus difficiles sans quoi il serait compliqué de vouloir se relancer dans l’aventure du marathon. Mon beau-père se met à courir à côté de moi en m’encourageant, il n’arrive pas à suivre le rythme ce qui me redonne quelques instants une vague sensation de vitesse. Je continue à entendre sa voix même si maintenant je ne le vois plus. Cela me fait un bien fou, je repars au combat! J’essaie de me mettre en transe, je me frappe la poitrine et pousse quelques cris d’effort. Sans ses encouragements je ne serai surement pas revenu dans cet état d’esprit. Me voila mentalement prêt à tout donner, je regarde ma montre je n’ai presque plus d’avance, à peine une minute. J’aperçois au loin le rond-point de la porte Dauphine, je sais que l’arrivée se trouve juste derrière, c’est difficile mais je sais que si je tiens le rythme je passerai sous les 3h30!

Une fois le rond-point passé le reste n’est qu’un étrange mélange de souffrance et de bonheur, j’accélère, je double quelques concurrents, l’un d’entre eux est pris d’une crampe dans les derniers mètres, il doit s’arrêter à quelques dizaines de mètres de la ligne, il repart au moment ou je le dépasse puis une nouvelle crampe et il disparaît. Le cerveau humain est quelque fois si sadique, pourquoi déclencher maintenant des crampes, pourquoi rendre ces derniers mètres si compliqués? Pourquoi courir un marathon? C’est en me posant cette question que je passe la ligne d’arrivée, la réponse immédiate restera un simple « parce que ». J’accuse le coup mais je suis très satisfait de mon chrono, 3h29’24 » objectif accompli!

Avec le temps j’ai appris à me contenter de peu, les conditions n’étaient pas idéales et j’aurai peut-être pu donner un peu plus entre le 36ème et le 40ème (facile à dire après la course mais sur le moment mes jambes m’ont persuadé du contraire). Je me repose sur une barrière et voit arriver le concurrent aux crampes à côté de moi, nous nous félicitons mutuellement puis je pars chercher ma médaille et mon T-shirt, symboles de mon effort et de ma souffrance.

Je retrouve ma mère et mon beau-père, le sourire jusqu’aux oreilles, j’ai déjà oublié les derniers kilomètres difficiles de ma course, je remercie mon beau-père pour ses encouragements qui m’ont redonné du mordant. Je termine mon 3ème marathon par une tablette de Milka-Oreo que j’engloutis presque d’un seul coup (chassez le naturel il revient au galop!). Mes jambes sont en bien meilleur état que les deux dernières fois, ça me donne envie de pousser encore plus loin.

Le prochain objectif est déjà tout trouvé, passer sous les 3h30 est une barre mythique pour beaucoup de coureurs, la seconde se situe à 3h00. Elle sera bien plus difficile à approcher mais le virus est déjà là, je ne sais pas combien de temps ni combien de marathons cela prendra mais je vise maintenant les 180 minutes. Quand? Comment? je ne sais pas encore mais il y aura surement beaucoup de kilomètres et de plaisir à m’entrainer d’ici là!

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Kenya 2018 – Préparation & Voyage

wing-plane-flying-airplane-62623.jpegLes billets d’avion :

On vit vraiment à une époque géniale quand on y pense. J’étais seul dans ma cuisine, il devait être à peu près une heure du matin quand les yeux fatigués mais la tête pleine de rêve je décide enfin de faire ce voyage au Kenya. Ni une ni deux je réserve mes billets, au beau milieu de la nuit je me lance dans un benchmark des différentes compagnies proposant Paris-Nairobi, si possible en vol direct. A ma grande surprise la réponse est OUI, Paris-Nairobi avec Air France en plus! En décalant un peu mes jours de départ et d’arrivée je trouve un billet A-R pour 420€, en cherchant un peu je retrouve un coupon de réduction de 50€ valable chez Air France. Résultat final 370€, je ne pensais pas m’en tirer à si bon compte!

Reste maintenant à réserver le vol interne Nairobi-Eldoret. Le vol dure environ 50 minutes et s’effectue en coucou de 15-20 places. Je regarde les compagnies recommandées par le centre d’entrainement dans lequel je vais séjourner. Les sites sont étonnement moderne, bien traduits et clairs. Je réserve mes billets A-R pour environ 70€, je commence déjà à mesurer la différence de prix entre le Kenya et la France…

Les Vaccins :

Une fois les billets réservés je me renseigne un peu sur les voyages en Afrique et bien sûr au Kenya. Je tombe tout de suite sur les recommandations sanitaires pour les pays en voie de développement. A première vue ça n’est pas très rassurant, on a tendance à oublier que l’on vit dans un pays à la situation sanitaire plus que satisfaisante. Ce n’est malheureusement pas le cas du Kenya. Eau non-potable, maladies endémiques graves, malaria, fièvre jaune, je relativise un peu en me disant qu’une prophylaxie efficace existe pour chacune. Avec mon médecin nous nous renseignons sur Iten, la vallée du rift et la région de l’Elgeyo-Marakwet. Je vais donc me faire vacciner contre la fièvre jaune, la méningite, et effectuer mon rappel du DTP. En plus de ça je prendrai des médicaments pour prévenir le paludisme, Iten est situé à 2300m d’altitude, le risque de contracter le paludisme est faible mais je risque de vouloir faire quelques safari lors de mes journées de repos. Pour me renseigner sur tous les vaccins et les risques sanitaires, le site de l’institut pasteur a été une mine d’information, je vous le conseille pour préparer vos futurs voyages comportant des risques sanitaires. Au final la consultation chez mon médecin, le vaccin contre la fièvre jaune (uniquement possible dans les centres de vaccination internationaux) et les autres vaccins et médicaments m’auront coûté environ 200€… La tranquillité à un prix! A cela je dois rajouter le visa Kenyan d’une quarantaine d’euros.

La Valise :

J’ai décidé de faire simple, je partirai avec mon sac à dos Duffle The North Face et un grand sac cargo type sac de transfert militaire. Pas de valise à coque dure ou a roulettes donc. Cela sera un peu moins pratique à porter mais je n’ai pas prévu d’emporter des tonnes d’affaires, quelques livres, mon ordinateur et des vêtements de sport avec quelques vêtements chauds. Ce qui risque de prendre le plus de place ce sont certainement mes chaussures. J’ai prévu d’en emmener au moins 4 paires pour courir, je ne sais pas trop à quoi m’attendre niveau terrain et j’ai envie d’amener des chaussures légères pour pouvoir faire du fractionné. Quelques shorts et une tenue pour sortir, le plus simple sera le mieux. Je m’en tire avec 18 kilos de bagages en tout, pas ce que j’appelle light mais pour un mois ça reste raisonnable.

Le Voyage :

Après quelques heures de vol j’atterris à Nairobi, il est 6 heures du matin et le ciel est très gris, on dirait qu’un orage vient de passer. J’ai 7 heures de correspondance avant mon prochain vol pour Eldoret au nord du pays. Heureusement je trouve un café à l’aéroport avec du Wi-Fi, je prend tout de suite mes aises et m’installe à l’une des nombreuses tables vides. J’en profite pour envoyer quelques mails et donner des nouvelles à ma famille.

Après pas mal de temps passé à attendre, l’heure est enfin venue d’embarquer dans le petit avion qui m’amènera à Eldoret! C’est probablement le plus petit avion que j’ai jamais pris!

Avion Eldoret Iten

Le vol se passe bien et nous atterrissons à 15h, reste encore une heure de route jusqu’à Iten.

Me voilà enfin arrivé sur le centre d’entrainement, malheureusement c’est un peu la saison creuse pour le centre et pour le moment (pour deux jours apparemment) je suis le seul à ne pas être Kenyan. Le centre est un peu triste sans personne, je me dis que cela ne durera pas et que de toute façon je suis venu ici pour rencontrer des Kenyans et courir, pour ça il y a déjà tout ce qu’il faut! Je demande à Dan l’un des intendants du centre si il peut m’emmener courir demain, il me dit que c’est OK pour lui même si il a l’air dubitatif sur ma capacité à le suivre. Il a probablement raison, j’ai entendu dire qu’au Kenya il n’est pas rare pour un coureur de pouvoir courir un marathon autour des 2h30…. Nous verrons bien demain matin, le rendez-vous est donné à 7h devant le restaurant du centre, j’ai hâte!